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L'USAGER : UN ACTEUR ACTIF DE SANTE PUBLIQUE
Une des grandes forces des mouvements d’usagers du système de santé (associations de personnes malades, de personnes handicapées, de familles et de consommateurs) a été de toujours combiner depuis quinze ans la question des droits individuels avec celle des droits collectifs. Bien évidemment, nous avons commencé par revendiquer et obtenir le respect de droits fondamentaux de la personne : la liberté et la dignité (accès aux informations, liberté du consentement, lutte contre la douleur, etc.). Mais il a très vite été évident que la défense de ces droits individuels était indissociable de la reconnaissance de droits collectifs qui seuls permettent une intervention institutionnelle sur les mécanismes de décision et de gestion du système de santé. La représentation des collectifs associatifs a été pour nous le moyen essentiel de faire évoluer en interne les normes et les pratiques de santé tout en maintenant en externe une pression indispensable.
Le contenu de la loi du 4 mars 2002 relative aux « droits des malades et à la qualité du système de santé » est significative du caractère indissociable de ces deux dimensions. Contrairement à une caricature toujours vivante, les associations et leurs représentants ne poursuivent pas des intérêts particularistes, voire égoïstes, ils ont revendiqué et obtenu des avancées majeures pour l’ensemble de la population française. Et cela, qu’il s’agisse de mesures individuelles (information sur les risques, accès au dossier médical) ou de mesures collectives (système de l’agrément des associations, système d’indemnisation des accidents médicaux).
De plus, nous avons progressivement dépassé le registre de la défense des droits, pour nous engager dans des actions portant sur la qualité du système de soins, enfin, en prenant des responsabilités dans le domaine de son financement.
Lorsque les représentants d’usagers sont interpellés sur la légitimité de leur rôle, c’est d’abord à cela qu’ils doivent penser et c’est dans ce sens qu’il leur faut argumenter.
C’est aujourd’hui un fait acquis, ce ne sont pas les acteurs politiques (même les plus progressistes), ni les professionnels de la santé (même les plus progressistes) qui ont introduit de leur propre initiative les réformes décisives que nous avons connues depuis vingt ans. Certes, ils y ont contribué, souvent activement (Mme Barzach, Mme Veil, Cl. Evin et B. Kouchner pour les politiques et beaucoup de professionnels), mais ils sont intervenus en général à partir d’une sollicitation associative.
Quant aux syndicats de salariés, ils étaient depuis longtemps dans une position stratégique, celle du contrôle du financement, pour évaluer les lacunes et les dysfonctionnements et initier des changements. Leur rôle en ces matières a été pour le moins discret. La politique aveugle du toujours plus de remboursements pour tout et pour tous a produit les effets que l’on sait. Et il faut, hélas, rappeler que leur rôle dans la prévention des maladies professionnelles et dans l’insertion en milieu de travail des personnes malades et handicapées est resté pour le moins partiel...
Il était donc tout à fait légitime que d’autres représentants des citoyens participent à la gestion du financement de la protection sociale : c’est ce qui a été introduit par la loi du 13 août 2004. Là, comme en matière de prise en charge médicale, nous entendons occuper pleinement une place originale.
Enfin, pour être véritablement un acteur du système de santé, le représentant doit prendre garde à deux travers très fréquents.
Tout d’abord, s’il représente, c’est qu’il est mandaté, et cela exige de lui qu’il rende des comptes à ses mandants. L’objectif n’est pas d’occuper telle ou telle place, mais de savoir pourquoi et pour qui on le fait. Les associations doivent ainsi veiller à maintenir des liens étroits avec leurs représentants, afin de faire le point sur les mandats et les faire évoluer. Ceci est d’autant plus important que le représentant est souvent seul face à des groupes de professionnels ou de spécialistes. Il peut avoir du mal à faire entendre une parole différente et à construire une position autonome de ceux qui dominent en général ces instances. Il a donc besoin d’être soutenu et formé, de participer à des débats avec ses pairs, et d’être nourri de propositions.
Ensuite, les représentants (et par voie de conséquence, les associations qui les mandatent) ne doivent pas oublier qu’ils ne sont pas là pour gérer, pour faire avec, pour composer avec des décisions qui leur échappent. Notre responsabilité est aussi celle de la vigilance et de la revendication constructive.
Représenter, ce n’est pas siéger dans telle ou telle instance et signer une feuille de présence, c’est se sentir responsable de la défense des positions collectives, c’est avoir la charge de s’exprimer au nom de tous ceux qui ne le peuvent pas. Mais pour tenir cette mission de façon constructive, il faut prendre des initiatives, collecter des informations, échanger avec des interlocuteurs diversifiés, élaborer des diagnostics et des propositions.
Là non plus, le représentant ne peut être seul, il doit se sentir accompagné d’une attention particulière, et il doit en même temps rechercher sans cesse des appuis.
Le CISS est typiquement une instance qui collecte, synthétise et aide à l’élaboration d’informations et de pistes de revendication et d’action. N’hésitez pas à nous saisir via vos associations, faites nous connaître vos besoins, vos travaux, vos initiatives. En dix ans, nous avons obtenu beaucoup, il reste énormément de travail à accomplir, nous devons le faire ensemble.
Pierre Lascoumes
Président d’honneur du CISS
Ces quelques lignes traduisent le sens de l’action du CISS : permettre un accès de tous à des soins de qualité, en veillant à la viabilité globale du système de prise en charge sanitaire et à l’amélioration de son efficacité. Les positions défendues par le CISS cherchent donc à porter la voix des usagers du système de santé, dans un environnement où la multiplicité des organisations impliquées ainsi que l’importance des enjeux soulevés rendent cruciale leur participation aux débats.
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